La semaine dernière, le 3 mai très exactement, avait lieu la 30e Journée mondiale de la liberté de la presse.
Une date qui revêt une importance grandissante actuellement. Alors que la guerre musèle les journalistes russes, que la Chine renforce son emprise sur les médias, que des patrons veulent imposer les règles et classer les journaux, et que les fake news provoquent des tensions internationales en Afrique. Partout autour du globe des journalistes sont menacés, obligés de fuir, pour avoir (trop bien) fait leur métier. C’est en partie pour cela que le Club a souhaité leur donner la parole le temps d’une soirée.
Selon le classement de Reporters sans frontières (RSF) sorti le jour même, la France s’est classée 24e (contre 26e en 2022), dans la liste des pays respectant le plus la liberté et l’intégrité des journalistes. Un gain de deux places dû non pas à une amélioration significative de la situation dans notre pays, (mais à une baisse des pays au-dessus). C’est par ce constat que notre présidente, Dorothée Brimont, a ouvert la discussion avant de laisser la parole à Dorothée Taconnet, la directrice du pôle intégration de France terre d’asile à Rouen. Elle a ainsi pu nous expliquer le rôle de l’association et notamment les statuts sous lesquels arrivent les réfugiés accompagnés sur le territoire.
Dorothée Taconnet a ensuite laissé place aux témoignages de journalistes réfugiés : trois Syriens, une Afghane, un Nigérian et un Russe.
Notre ”voyage” a débuté en Syrie, pays classé 175e sur 180 au classement RSF, avec Haitham, Thomas (prénom d’emprunt) et Samir. Ils sont tous les 3 revenus sur la couverture qu’ils ont pu faire des manifestation alors qu’il y a une dizaine d’année débutait la révolution dans leur pays, avant de tourner en une guerre civile. Haitham a fait un récit très poignant de sa vie sous les bombardements, de la peur qui le tiraillait alors qu’il allait faire son métier.
Nous avons ensuite fait route vers l’Afghanistan, pays classé 152e sur 180 pour RSF. Azada (prénom d’emprunt) vit déjà une jeunesse compliquée pour une femme d’origine hazara (minorité ethnique) en plein pays des talibans. Elle se passionne pour le cyclisme et intègre l’équipe national de son pays. Jusqu’au jour où les Talibans interdisent aux femmes d’aller à l’école, de faire de sport, de penser même. Après avoir passé 2 années à étudier le journalisme en Afghanistan, vient un stage de 5 mois au sein d’une chaine de télévision afghane dans laquelle elle décroche un contrat. Et ensuite, 2 mois à vouloir travailler dans un pays où le patriarcat impose une place aux femmes, 2 mois à recevoir des réflexions sur ses origines, 2 mois à recevoir des menaces de mort pour avoir fait son travail. Le 15 aout 2021, les Talibans reprennent le pouvoir, et elle se retrouve obligée de fuir, laissant toute sa famille là-bas, pour sauver sa vie.
Au Nigéria, 123e/180 au classement RSF, c’est la corruption qui dicte les mots. Et c’est pour avoir enquêté sur elle que Rasheed a été poussé à l’exil. Il était à Lagos, rédacteur en chef du magazine « City Mirror News Blog », journal de sensibilisation à l’éducation en santé publique. L’année dernière ce sont quatre de ses collaborateurs, restées sur place, qui ont été retrouvées mortes.
Enfin, nous recevions également un journaliste russe, dont le pays est 164e au classement RSF. Fred (tel qu’il a souhaité que nous le prénommions) doit rester anonyme pour sa sécurité. Ayant enquêté sur les crises du Kremlin en Sibérie, il est aujourd’hui considéré comme terroriste par Vladimir Poutine et recherché. Il est accompagné sur le territoire par France terre d’asile bien sûr, mais aussi par un journaliste du cru, Marc Braun, qui l’accompagnait au Club, afin de témoigner avec lui. Cela a permis à France terre d’asile d’évoquer leur programme de parrainage professionnel.
Ces témoignages sont précieux, ils nous rappellent à quel point le métier de journaliste est essentiel mais dangereux. En 2022, ce sont au moins 86 journalistes qui ont été tués à travers le monde et 350 emprisonnés pour avoir écrit, interrogé, enquêté, interviewé, pris une photo ou une vidéo.
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