Les élèves de Licence professionnelle “Chargé.e de communication” de l’Université de Rouen et l’ISD Flaubert, entourés par leurs responsables pédagogiques, Julia Lebailly et Éric Delamotte, ont proposé vendredi 23 juin, à la fac Pasteur, une journée d’étude en partenariat avec le Club. La thématique, ambitieuse et d’actualité : La com’ dans dix ans. Au travers de conférences, tables rondes et ateliers, les différents intervenants, experts en communication et en développement durable – dont de nombreux adhérents du Club – ont partagé leurs idées autour de la communication responsable et de l’évolution de nos métiers.
Développement durable, définitions et chiffres chocs
En ouverture de la journée, la première conférence était tenue par Fabien Thoumire, Responsable du service Développement durable et responsabilité sociétale et directeur de l’Institut des Transitions à l’Université de Rouen Normandie, portait sur l’urgence climatique et le développement durable.
Il a expliqué en détail, ce qui se cache derrière le terme de développement durable, soit la capacité à vivre ensemble et exploiter les ressources de façon à préserver les générations futures. Celui-ci comporte 3 piliers : le pilier social qui renvoie à la notion de soutenabilité, le pilier économique qui fait écho aux modes de consommation, et le pilier environnemental qui concerne la préservation de la faune et de la flore. Fabien Thoumire nous a présenté les 17 objectifs de développement durable (ODD) établis par les États membres de l’ONU. Le changement climatique, l’érosion de la biodiversité ou encore la perturbation des cycles de l’azote et du phosphore font partie des 9 indicateurs des limites planétaires. À noter qu’en 2009, 3 limites avaient déjà été dépassées, on en compte 6 à l’heure actuelle avec une empreinte carbone équivalente à 9,9 t de CO2 par personne en 2021. Fabien Thoumire a invité à se rendre sur le site “nos gestes climat” qui permet de calculer son bilan carbone afin de se rendre compte de notre empreinte climat.
Une entrée en matière très enrichissante, instructive et formatrice qui allait donner corps aux interventions suivantes.
La communication à l’heure de la sobriété
Valérie Martin, Cheffe du service Mobilisation citoyenne et médias de l’Ademe, nous a d’abord présenté son entité de manière générale en soulignant qu’il était le principal opérateur de l’État pour la mise en œuvre de la transition écologique. La cheffe du service Mobilisation citoyenne et médias a ensuite évoqué plusieurs chiffres à propos de la préoccupation des citoyens quant à leur façon de consommer. 81% des citoyens ont un caractère anthropique, 62% ont conscience qu’il faut changer notre mode de vie et 11% affirment qu’on doit s’appuyer sur les progrès techniques pour faire face à cette urgence climatique.
Concernant la façon de consommer des citoyens, 63% des citoyens limitent leurs achats pour des raisons économiques tandis que 37% limitent leurs achats pour des raisons écologiques.
Au sujet de la publicité en général, 83% sont d’accord pour dire que la publicité est trop présente, pour les marques qui communiquent sur leurs engagements pour la planète et la société, les Français restent encore à convaincre. En effet, 85% ont besoin de preuves pour croire aux engagements d’une marque.
Valérie Martin a ensuite défini la communication responsable en abordant les différentes lois mises en place telles que la loi anti-gaspillage ou celle contre le greenwashing… Selon elle, « la communication responsable est une communication plus sensible aux enjeux écologiques, davantage à l’écoute des habitants de notre planète, une communication qui s’interroge autant sur les contenus que sur la manière de les délivrer, une communication qui intègre également la notion d’urgence. Elle repose sur quatre piliers:
- Les messages responsables
- L’éco-socio conception des supports
- Le dialogue avec les parties prenantes
- L’efficacité et l’éthique des affaires
Enfin, elle a rappelé le rôle de la communication face aux enjeux environnementaux et sociétaux. Pour elle, la communication doit accompagner les organisations dans leur transformation vers un modèle en cohérence avec la transition écologique, accompagner les citoyens vers de nouveaux usages et comportements plus vertueux, développer une représentation positive et inclusive de la diversité, de la société.
Entreprises, collectivités et agences témoignent…
La matinée s’est poursuivie avec une table ronde animée par Sébastien Bailly, directeur de la communication de Rouen Seine Normande 2028, où a été mis en lumière l’implication de plusieurs professionnels de la communication qui s’engagent activement pour promouvoir une communication responsable et éco-responsable.
Dans un premier temps, chaque intervenant a abordé les mesures prises dans son entreprise concernant la transition écologique.
Lénaïc Pineau, directrice du Développement durable et qualité de l’entreprise JCDecaux, le numéro 1 mondial de la communication externe, a rappelé que leur première stratégie développement durable date de 2014 et qu’une stratégie climat a été lancée il y a une dizaine de jours. Aujourd’hui, JCDecaux mesure toutes ses émissions de carbone, leur but est d’avoir un taux net de 0 en empreinte carbone pour 2050, et de l’avoir baissé de 50% en 2030. Une trajectoire de réduction a été mise en place pour atteindre ces objectifs.
Valérie Martin, Cheffe du service Mobilisation citoyenne et médias de l’Ademe, propose différents outils de communication dans le but de mobiliser les citoyens. Une stratégie de communication responsable qui vise à informer et sensibiliser le public sur les enjeux environnementaux a été mise en place. Dans cette perspective, l’Ademe souhaite également sortir une charte de l’éco-communication, pour promouvoir les bonnes pratiques et la transparence dans ce domaine.
Samir Sirat est chargé de communication et relations publiques chez Caisse d’Épargne Normandie. Cette banque régionale accompagne ses clients dans leur démarche responsable. Elle a aussi pour objectif de réduire réduire l’empreinte carbone de l’entreprise, en mettant l’accent sur la décarbonation du site internet ou sur une utilisation plus responsable du numérique par exemple. Samir Sirat souligne surtout qu’il n’y a pas de petits efforts inutiles, que tout effort peut contribuer à améliorer la situation.
Fabrice Bonnet, Responsable stratégie et développement de l’Agence Zigzag. Celle-ci s’engage à travers l’écologie. Fabrice Bonnet met l’accent sur le choix des clients et la construction du bon message pour éviter le greenwashing, pratique consistant à se donner une image écologique sans réelle action concrète. L’agence s’attache également à diffuser les messages de manière responsable, en privilégiant une approche durable et éthique de la communication.
David Leclerc, Chargé de communication digitale de la Ville de Rouen, considère qu’une collectivité, comme celle où il travaille, a un devoir d’exemplarité en matière de communication responsable. Il met en avant le besoin d’accessibilité pour que les informations soient disponibles à tous.
Il souligne aussi l’importance du respect des données personnelles en proposant un site sans cookies. La Ville de Rouen a même reçu des honneurs pour son classement web vert, en tant que site le plus éco-responsable.
Sébastien Bailly les a ensuite interrogés sur la notion du choix de ses fournisseurs et de ses clients dans une démarche éco-responsable.
Comme de nombreuses entreprises, JCDecaux fonctionne selon un modèle d’affaires axé sur la réalisation de bénéfices. Cependant, l’entreprise reconnaît également la nécessité de trouver un équilibre entre la recherche de rentabilité et l’adoption de pratiques responsables. JCDecaux affirme la réelle importance de travailler avec des partenaires qui partagent ses valeurs et son engagement envers des normes éthiques élevées.
Fabrice Bonnet, de Zigzag, suggère qu’une entreprise peut survivre sans se concentrer uniquement sur les bénéfices, en accordant une attention particulière aux aspects sociaux et environnementaux de son activité comme le souligne la loi Pacte de 2019.
Pour revenir à la question, Fabrice Bonnet dit qu’aujourd’hui, les entreprises n’ont plus vraiment le choix, choisir des clients en tant que partenaires éco-responsables est devenu une obligation.
Valérie Martin a soulevé plusieurs questions par rapport à ce sujet : Comment choisir les fournisseurs ? Sur la base de quel référentiel ? Comment mettre des critères ?
Et le digital, est-ce si mal ? Selon Valérie Martin de l’Ademe, le digital représente 2,5 % des émissions de gaz à effet de serre en France et 4 % au niveau mondial sachant que l’on constate une augmentation phénoménale du numérique et des objets connectés en général, ce taux risque d’augmenter fortement. La fabrication de ces objets est le facteur qui impacte le plus l’environnement. L’enjeu sera d’allonger la durée de vie des appareils.
Pour Fabrice Bonnet, de l’agence Zigzag, le poids du numérique sera multiplié par 3 dans les prochaines années. Le numérique peut apporter des solutions pour décarboner certains secteurs, cependant, il doit passer par la réglementation.
Selon David Leclerc, de la Ville de Rouen, le tout est de savoir comment utiliser le numérique de façon rationnelle. Les vidéos, le streaming, les images sont énergivores car elles émettent plus. Il faut savoir comment passer l’info, remettre le digital en perspective et privilégier le texte.
À la Caisse d’Épargne Normandie, les appareils qu’ils utilisent sont reconditionnés , les anciens ordinateurs en bon état sont donnés à des associations et ils optimisent la fréquence de leurs publications.
D’après Valérie Martin, l’expertise d’un communicant est de travailler sur la question “ai-je besoin de communiquer”, car selon l’étude Aref, 91 % des pages web étudiées ont 0 visites.
David Leclerc a ensuite évoqué la notion de sobriété éditoriale. Éviter l’infobésité et les pages trop bavardes en faisant un travail d’acculturation au web et ne pas entrer dans une course à l’algorithme. Être sobre éditorialement parlant aura un impact sur la sobriété énergétique.
A la question, quel sera l’affichage dans 10 ans, Lénaïc Pineau de JCDecaux explique que la multiplication des canaux est la solution. Il y a 235 millions d’écrans en France au total (smartphones, ordinateurs, télévisions…), les écrans publicitaires, qui s’éteignent la nuit depuis 2013, en représentent 15 000. Il faudrait investir dans les meilleures technologies pour réduire les émissions du digital.
Valérie Martin de l’Ademe poursuit avec le fait que la fabrication des panneaux de pub lumineux représente le plus gros impact sur l’environnement. Cependant, la pub reste une question politique.
Fabrice Bonnet de Zigzag répond que les écrans d’affichage JCDecaux et les ordinateurs n’ont pas les mêmes composants. C’est une vision caricaturale, comme pour les billets d’avion, il y a un coût éthique derrière la réservation d’un billet d’avion pour un voyage humanitaire par exemple. C’est pareil pour la communication, avant de penser directement aux points négatifs, il faut s’intéresser au message véhiculé, la raison d’être d’un affichage.
Lénaïc Pineau de JCDecaux continue sur cette idée en ajoutant qu’il faut se pencher sur l’utilité, le message sociétal. La communication doit accompagner le changement, c’est pour cela qu’ils sont partenaires de l’ONU dans les Objectifs de Développement Durable (ODD).
En conclusion, selon les professionnels réunis lors de cette table ronde nous pouvons retenir que : nous avons la liberté d’agir et il n’y a pas de petits efforts, tout effort est important pour agir en faveur de l’environnement. Également, la communication accompagne la transition écologique, il faut refuser certaines actions de com inutiles, garder un regard critique et s’informer pour éviter de se faire tromper par le Green Washing. Il faut garder à l’esprit que le message véhiculé est la base de toute communication, c’est essentiel, et il faut penser aussi à l’accessibilité. Enfin, il faut bien choisir les entreprises avec lesquelles travailler.
Communication hors médias et développement durable
La journée d’étude s’est poursuivie dans l’après-midi avec un atelier sur la communication hors médias et développement durable avec Lénaïc Pineau, directrice du service Développement durable et qualité et Clémentine Prat, directrice déléguée de la Communication, toutes deux chez JCDecaux.
L’atelier a commencé avec un quiz Kahoot avec des questions sur la société JCDecaux. Lors de ce quiz, nous avons pu en apprendre davantage sur l’entreprise, notamment qu’elle développe ses activités dans 80 pays, qu’elle compte plus de 2000 campagnes dans le monde. Au niveau des initiatives environnementales, JCDecaux est l’un des partenaires clés de l’association Just Digg It qui œuvre à restaurer les terres arides. Les techniques de reverdissement qui ont fait leurs preuves incluent la collecte des eaux de pluie en creusant des digues, la restauration des arbres et l’instauration de banques de graines d’herbes.
Réseaux sociaux, recrutement et marque employeur
Dorothée Chourrot, dirigeante de 1 min pour 1 job, a enchainé avec un atelier sur la marque employeur.
Elle nous a expliqué qu’à l’époque, les recrutements étaient plus simples. C’est à l’arrivée des réseaux sociaux que la façon de recruter a évolué. Il a fallu revoir le schéma en interne ainsi qu’en externe, notamment avec l’image que renvoie l’entreprise. Il a fallu s’ouvrir à d’autres sujets tels que la Marque Employeur, notion qui mêle marketing et ressources humaines et qui repose sur 3 piliers : l’identité, l’image interne et la réputation en externe. Dorothée Chourrot nous a expliqué que pour bâtir la marque employeur d’une organisation, il faut mettre en place une promesse employeur afin de créer un levier d’attractivité pour les candidats et de fidélisation pour les salariés.. Il faut également communiquer sur la marque employeur, la culture d’entreprise, les valeurs, les engagements sociétaux et environnementaux, désigner des salariés ambassadeurs.
Existent-t-ils des goodies responsables ?
Éric Butynski, dirigeant de MB Concept, a proposé un atelier qui avait pour thématique les goodies écologiques et les alternatives possibles.
Il a observé une dévalorisation des “goodies” qui sont en fait des objets médias, distribués lors d’événements. Ces objets médias sont l’identité d’une entreprise et peuvent être éco-conçus, utiles, durables et responsables. De plus, si l’objet est personnalisé avec le logo de l’organisation, il sera plus facile de se rappeler de l’entreprise. Il ne faut pas diaboliser les entreprises qui offrent des goodies lors d’événements car certains font l’effort de proposer des objets utiles et non futiles.
Communication digitale: quel avenir pour l’accessibilité numérique ?
Digital et accessibilité étaient les points centraux de l’intervention d’Olivier Langlet, co-fondateur de l’agence Terra Num. Olivier Langlet a dans un premier temps rappelé que depuis 30 ans le monde se numérise de plus en plus. Cependant, on constate un problème d’accès à cette numérisation dans le monde. L’accessibilité numérique consiste à rendre les contenus et services numériques compréhensibles et utilisables par les situations de handicap.
Olivier Langlet a rappelé sur quoi nous devons nous baser : Web Content Accessibility Guidelines (WCAG) : les documents des WCAG expliquent comment rendre les contenus web plus accessibles aux personnes handicapées. Le terme « contenu » Web fait en général référence à l’information d’une page web ou d’une application web. Quant au Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité (RGAA) : 106 critères qui permettent de contrôler l’accessibilité d’un site et de ses contenus suivant les normes internationales de l’accessibilité numérique connues sous l’appellation de WCAG.
Aujourd’hui 12 millions de personnes sont en situation de différence. Pour nous éclaircir sur le sujet, le fondateur de Terra num, nous a présenté les différents types d’handicaps (moteur, sensoriel, mental, cognitif, psychique).
Et, malgré les différentes lois qui ont été mises en place, 85% des handicapés sont invisibles dans notre société, 96,8% des pages d’accueil ont échoués aux normes du référentiel WCAG, le budget alloué à l’accessibilité reste très faible, 60% des personnes travaillant dans le numérique n’ont pas conscience du RGAA.
Pour terminer, Olivier Langlet a donné une liste d’arguments pour promouvoir l’accessibilité lors de réunions.
L’impact du numérique dans le réchauffement climatique
David Julien, dirigeant Mon site vert, nous a d’abord montré l’impact du numérique en France en termes d’émission de CO2, et de sa croissance, dans quatre ans ces émissions auront doublé. Il rappelle aussi qu’Internet est aussi le 3e consommateur d’électricité dans le monde, les serveurs représentent 50% du quota de consommation électrique. Si Internet était un pays, il serait le 3e plus gros consommateur d’électricité au monde derrière la Chine et les États-Unis.
Sachant que 800 000 sites web sont créés chaque jour dans le monde, mon site vert souhaite apporter une solution permettant de décarboner le web normand et français à horizon de 3 ans puis Mondial à plus long terme. Leur mission est de construire le web écologique de demain en permettant à ses acteurs en éco-conception web et les outils adéquats.
Le dirigeant de mon site vert nous a ensuite présenté leur outil. Leur CMS* Mon Site Vert, conçu pour consommer le moins de ressources possibles et respecter la planète. L’outil va optimiser la totalité du code et des images pour être respectueuse de l’environnement.
David Julien rappelle que cet outil n’est pas que écologique. Mon site vert permet aussi d’avoir des sites internets performants. D’un point de vue technique, mais aussi d’un point de vue du référencement sur Google.
Pour finir, nous avons pu calculer l’empreinte environnementale de plusieurs sites sur le site eco index.fr qui va classer le site de A à G selon des critères (poids du site, complexité du site, requêtes du site…).
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